Veröffentlichungen

ACTA ORGANOLOGICA 30 - Résumés

Christian Binz

Le dossier "Orgues" de la circonscription administrative ("Amt") de Wiebelsheim

Les archives principales du Land de Rhénanie-Palatinat sises à Coblence renferment dans l’inventaire des archives de l’ancienne circonscription administrative de Wiebelsheim des dossiers concernant la construction des premières orgues dans les églises catholiques de toutes les cinq paroisses appartenant à ce territoire:

Caspar Zumsande, de Höhr-Grenzhausen, construisit en 1862/63 un orgue de 18 jeux à 2 claviers et pédale pour Damscheid. Cet instrument céda en 1957 sa place à un harmonium qui fut à son tour remplacé en 1982 par un orgue dû au facteur Hugo Mayer (Heusweiler).

La paroisse d’Oberwesel-Dellhofen fit l’acquisition en 1876 d’un orgue de Johann Schlaad, de Waldlaubersheim (13 jeux, 2 claviers et pédale), installé dans l’église jusqu’en 1961.

Les candidats à la construction d’un orgue neuf en l’église d’Oberwesel-Langscheid étaient Johann Schlaad, J. Bach (Kamp-Bornhofen), Ludwig Hünd (Linz am Rhein), Franz Wilhelm Sonreck (Cologne). La réalisation de l’ouvrage (8 jeux, 1 clavier et pédale), achevée en 1862, fut confiée à Ludwig Hünd. L’orgue fut remplacé en 1958 par un instrument neuf issu de la manufacture Walter Seifert de Cologne.

Le projet de l’organiste Flory d’Oberwesel pour la construction du premier orgue de Perscheid (16 jeux, 2 claviers et pédale) fut réalisé, avec quelques modifications, en 1848-49 par Johann Schlaad. Cet orgue est conservé, bien qu’ayant subi quelques transformations. Une première tranche de travaux de rénovation fut exécutée en 1999 par la manufacture Vleugels (Hardheim).

Wiebelsheim obtint en 1870-72 un nouvel orgue (18 jeux, 2 claviers et pédale) de la main du facteur Peter kessler (Kisselbach), restauré en 1979 par la manufacture Oberlinger (Windesheim).

[Acta Organologica 30, 2008, 243-254]

 

Felix Friedrich

Adam Gottlob Casparini et Tobias Heinrich Gottfried Trost. Compagnon et maître d’apprentissage

Durant ses années d’apprentissage et de compagnonnage, Adam Gottlob Casparini travailla en 1736 et 1737 chez Tobias Heinrich Gottfried Trost à Altenburg. Il transforma alors pour le compte de Trost l’orgue de Lucka et participa en outre à la construction de l’orgue Trost d’Altenburg.

L’article analyse le matériau d’archives concernant le court épisode d’Altenburg dans la vie de Casparini et décrit les relations chargées de tensions entre les deux facteurs, dues non seulement à des points de vue opposés sur des détails de facture mais aussi à des pensées de concurrence. En outre il y eut les remarques très critiques de Casparini sur la manière de construire de Trost et sur la conception de l’orgue de la chapelle du château d’Altenburg. La transformation de l’orgue de Lucka est décrite en détails sur la base des compositions disponibles.

[Acta Organologica 30, 2008, 67-72]

 

Rimantas Gučas

La tradition de facture d’orgue à Königsberg (Kaliningrad) et Vilnius

Le premier texte évoquant la présence d’un orgue dans la région de la mer Baltique remonte à l’année 1333. Le projet de construction de la cathédrale de Königsberg prévoyait alors l’installation d’un orgue sur le jubé. En 1408, le Grand Maître de l’Ordre Allemand envoya un clavicorde et un «portatif» à l’épouse du Grand Duc Vytautas de Grande Lituanie. La Lituanie comptait déjà 113 églises au début du XVIe siècle, et le Recueil des Lois lituaniennes de 1529 mentionne des orfèvres aussi bien que des facteurs d’orgues. Dans un premier temps toutefois, on ne trouve que peu de traces de facteurs et d’orgues.

En 1534, Urban Neidenberg réalisa un positif avec pédalier pour le Prince Georgio Radvil.

Peu de temps plus tard, le Duc Albrecht de Prusse pria le Prince de lui envoyer Neidenberg afin que ce dernier réparât l’orgue du château de Königsberg.

Le premier orgue plus important de Lituanie fut construit en 1595-96 par Johann Koppelmann (Gdansk) pour la cathédrale de Vilnius, la capitale. En 1614, un facteur inconnu livra un orgue pour l’église des Bernardins de Vilnius (29 jeux, 2 claviers, avec des figurines mobiles au buffet). Le début du XVIIe siècle vit aussi l’installation d’un orgue originaire de Königsberg dans l’église des Franciscains à Kretinga (36 jeux, 2 claviers), détruit pendant la seconde Guerre mondiale. A partir de la fin du XVIe siècle, ce furent les membres de la famille de facteurs d’orgues Wendt qui exercèrent leur art dans la région de la mer Baltique pendant près de cent ans.

Au XVIIIe siècle, les contacts entre les traditions de la facture d’orgues de Lituanie, de Prusse et de Kurzeme se multiplièrent. Le positif en l’église des Franciscains de Kretinga, l’instrument le plus ancien conservé en Lituanie, fut sans aucun doute construit encore au XVIIe siècle par un maître prussien et transformé en 1744. L’église catholique du village d’Adakavas renferme un positif fin XVIIIe originaire de Königsberg.

Johann Preuss acheva l’orgue de Kretinga/Crottingen en 1785. Georg Adam Neppert construisit l’instrument de Griškabudis en 1804.

En 1736, Gerhardt Arend Zelle, de Königsberg, vint s’établir à Vilnius pour y devenir un facteur aussi productif qu’influent. Disciple de Georg Sigmund Caspari, il représenta le lien entre les traditions de Königsberg et de Vilnius. Plus tard, son élève Nicolaus Jantzen fut le facteur lituanien le plus célèbre de la seconde moitié du XVIIIe siècle. L’instrument lituanien typique de cette époque est l’orgue à deux claviers sans pédalier.

Jusqu’à la moitié du XIXe siècle cependant, la plupart des orgues lituaniennes sont anonymes, et bien qu’elles soient dues à différents facteurs, on y trouve de nombreuses façades pratiquement identiques. C’est pourquoi il est tout à fait justifié de parler d’une «école de Vilnius», qui fut étroitement liée à celle de Königsberg jusqu’au début du XIXe siècle.

Ce qui caractérise la composition de ces instruments, ce sont les nombreux jeux de 4 pieds et des jeux comme «Jula», Unda Maris, «Pauken» (timbales) et Cymbelstern.

Adam Gottlob Casparini construisit au moins trois orgues au Grand Duché de Lituanie, dont celui de l’église du Saint-Esprit de Vilnius, presque intégralement conservé dans son état original. Cet instrument témoigne du haut niveau atteint par la facture de l’époque à Königsberg, facture qui a également exercé une forte influence sur la facture d’orgue dans les pays voisins.

[Acta Organologica 30, 2008, 35-66]

 

Max Reinhard Jaehn

1804 - 1953 - 2005: 200 ans de recherche sur l’orgue et 50 ans de restauration d’orgues dans le Mecklembourg

En 1804, l’organiste de Schwerin et collectionneur de musique Johann Jacob Heinrich Westphal acheva un recueil de compositions d’orgues et de faits relatifs à cet instrument. Ceci passe pour le début de la recherche sur l’orgue dans le Mecklembourg.

Pour les 200 ans suivants sont présentés d’autres chercheurs importants : Julius Massmann, Karl Schmaltz, Walter Haacke, Karl Eschenburg, Georg Gothe et beaucoup d’autres. Le début des restaurations d’orgues au sens strict actuel se situe dans le Mecklembourg en 1953, lorsque l’orgue de Dreilützow fut remis en état selon les principes de la conservation patrimoniale.

Ce n’est que durant les années 1980 que la recherche et la restauration connurent une renaissance, qui donna de nouvelles impulsions à la situation d’orgues défavorisés par une RDA hostile à l’Eglise. Après la réunification allemande, les bases d’une floraison de la conservation et de la restauration d’orgues étaient données, finalement avec une série de projets dans les années 2000-2006, soutenus par des fondations. Leur succès ne tient pas seulement à l’abondance des moyens financiers, mais également à la production des chercheurs et à l’utilisation sensée des résultats de leur travail.

[Acta Organologica 30, 2008, 355-384]

 

Jan Janca / Hermann Fischer

Adam Gottlob Casparini (1715 - 1788)

Fils de Adam Orazio Casparini, Adam Gottlob Casparini naquit à Breslau (Wrocław) le 15 avril 1715. Il fit son apprentissage dans l’atelier de son père et entre 1735 et 1737, il travailla à la manufacture de Tobias Heinrich Gottfried Trost à Altenburg en Thuringe, pour revenir travailler comme aide dans l’atelier paternel. Après le décès de son cousin Georg Siegmund Caspari à Königsberg, il y sollicita le privilège de Facteur d’Orgues de la Cour, qui lui fut décerné en 1742. Il mourut à Königsberg le 17 mai 1788.

L’œuvre complète de Adam Gottlob Casparini compte environ 45 orgues neuves (sans compter les transformations et les réparations). L’existence de 43 de ces instruments, dont 6 à Königsberg, ne fait plus aucun doute. L’orgue de l’église du Saint-Esprit de Vilnius est intégralement conservé alors que les instruments de Mühlhausen, Leunenburg et Barten (aujourd’hui en Pologne) le sont en partie. Plusieurs instruments furent la proie des flammes, d’autres furent victimes de l’esprit du temps et du progrès de la technique (auquel nous devons cependant les clichés de certaines façades historiques). Les instruments restants furent pour la plupart détruits pendant la seconde Guerre mondiale.

Contrairement à son père Orazio, Adam Gottlob Casparini était un facteur doué du sens des affaires qui rendit la vie difficile à ses concurrents et qui rédigea ses contrats sous forme de texte standard formulé d’une manière suffisamment imprécise afin de pouvoir exiger des paiements en sus «pour travaux complémentaires». Du point de vue artisanal, il avait la réputation d’être un facteur fournissant un travail soigné et n’utilisant que les meilleurs matériaux, d’où les prix élevés qu’il pouvait exiger pour ses instruments.

Les compositions des orgues à un ou deux claviers de Casparini font l’objet d’analyses comparées à l’aide d’exemples choisis et concernant le nombre de jeux, les chœurs des principaux et des jeux flûtés (l’Unda Maris constituant un leitmotiv bien typique), les jeux de pédale et les anches. D’autres particularités résident dans la diversité des noms donnés aux jeux de flûtes et un jeu non clairement défini appelé «Jula». Le tremblant et un ou deux «Zimbelsterne» complètent habituellement la palette sonore de ces instruments. La mécanique du tirage des jeux et les tirants sont réalisés la plupart du temps en fer. Onze façades de Adam Gottlob Casparini sont documentées par des photographies permettant de dégager cinq types de buffets, malgré le nombre restreint des exemples dont il existe encore des traces.

[Acta Organologica 30, 2008, 73-88]

 

Wolfgang Lindner

Un orgue historique Robson à Saint-Pétersbourg (Russie)

Remontant au XIXe siècle, cet orgue de salon resta durant environ 150 ans dans la salle de musique d’une résidence privée de Warren (Herkimer County, NY, USA), jusqu’à ce qu’il soit transféré à la fin des années 1990 à Saint-Pétersbourg (Russie).

Une autopsie de l’instrument montra qu’il s’agissait d’un orgue anglais à clavier et à cylindres, construit à la fin des années 1840 par Joseph Robson & Son, de Londres. Le nom de la firme fut donné par une inscription sur le mécanisme des cylindres. L’appareil de jeu n’est présentement pas en état de jeu et doit encore être restauré.

L’article offre en outre un court aperçu sur l’histoire et les activités de la famille Robson et présente quelques instruments construits par elle, avec des exemples de compositions.

[Acta Organologica 30, 2008, 313-330]

 

Uwe Pape

Les orgues du Duché de Brunswick (Braunschweig) avant 1810

Ayant existé de 1432 à 1754, le Duché de Brunswick fut réparti par partage de succession en différents Etats, dont la Principauté de Brunswick-Wolfenbüttel, qui correspondait au XVe et XVIe siècles à peu de choses près au futur Duché de Brunswick et qui fut l’une des premières à se développer. Cette principauté disparut cependant le 28 octobre 1806 à la suite de l’occupation par les troupes napoléoniennes et fut incorporée le 9 juillet 1807 au Royaume de Westphalie, auquel elle appartint jusqu’en 1813.

C’est par décision du Congrès de Vienne que le Duché de Brunswick fut fondé à l’intérieur des anciennes frontières de la Principauté de Brunswick-Wolfenbüttel. Ce duché se composait de plusieurs parties disparates, à savoir: 1) le territoire situé entre la rivière Aller et le massif du Harz et comprenant la ville de Brunswick; 2) le territoire situé entre le massif du Harz et le fleuve Weser, incluant la ville de Holzminden; 3) la ville de Blankenburg (Harz) et sa région; 4) la circonscription administrative de Calvörde (enclave à l’intérieur de la Province de Saxe); 5) la circonscription administrative de Thedinghausen située entre Brême et Verden; 6) le bourg de Bodenburg incluant le village d’Oestrum (circonscription de Gandersheim); 7) le village de Ostharingen, situé au nord de la ville de Goslar (circonscription de Lutter am Barenberge) et 8) le village d’Oelsburg situé au sud de la ville de Peine et appartenant à la circonscription de Vechelde.

C’est en 1918 qu’apparut l’Etat libre (Freistaat) de Brunswick qui, tout comme le Duché, était Etat membre de l’Empire allemand. Un échange de territoires eut lieu, concernant les arrondissements de Holzminden et de Goslar, qui comprenait les villes de Goslar et Salzgitter, plus quelques agglomérations isolées, appartenant à la province prussienne de Hannovre. Cette mesure donna une structure territoriale plus cohérente à cette région.

La Réforme instaurée en 1528 dans la ville de Brunswick et en 1568 dans le Pays (Land) de Brunswick a marqué le développement de ce Duché jusqu’à nos jours. Ainsi, le territoire de «l’Eglise évangélique-luthérienne à Brunswick» sise à Wolfenbüttel est en grande partie identique à celui du Pays (Land) de Brunswick à partir de 1942.

Au cours des siècles s’est développée à Brunswick une tradition de facture d’orgues liée pendant la Renaissance à des noms tels que Compenius, Gottfried Fritzsche et Jonas Weigel et à l’époque baroque à des facteurs comme Friedrich Besser, Otto Eilhard Bothienter, Johann Andreas Graff, Abraham Sidekum, Johann Ferdinand Hüsemann et ses deux fils.

Cet article retrace l’histoire de toutes les orgues construites jusqu’en 1810 dans le Pays (Land) de Brunswick dans ses frontières d’avant 1810.

[Acta Organologica 30, 2008, 89-242]

 

Friedrich Wilhelm Riedel

A propos de l’histoire de la physharmonika

Le chapitre bénédictin de Göttweig (Autriche inférieure) possède une physharmonika construite vers 1840 par l’important facteur d’orgues viennois Jacob Deutschmann (1795-1853). Elle comporte une seule série d’anches libres, dont le son est produit par deux soufflets actionnés par les pieds, avec une expression sans degrés. Des accouplements d’octave et l’ouverture de la caisse de résonnance permettent en plus des niveaux bien différenciés de dynamique. Une description contemporaine de la construction, de l’utilisation et de la technique de jeu est due au pianiste viennois Johann Promberger (1819 - après 1849). La physharmonica de Göttweig fut utilisée pour remplacer des instruments à vent lors d’exécutions de musique d’église, d’opéra ou d’oratorio, avec de petits ensembles instrumentaux. Grâce à un grand volume sonore, l’instrument pouvait aussi être utilisé seul pour des offices dans l’église.

[Acta Organologica 30, 2008, 385-408]

 

Achim Seip

Les orgues de synagogue réalisées par la manufacture Steinmeyer (Oettingen)

A l’instar de tous les grands facteurs allemands du XIXe et du début du XXe siècle, la manufacture Steinmeyer (Oettingen) construisit elle aussi des instruments destinés aux synagogues des communautés juives libérales des grandes villes allemandes.

La ville de Berlin possédait deux orgues de synagogue réalisées par Steinmeyer. L’instrument de la synagogue située dans la Johannisstrasse et datant de 1913 (2 claviers, 27 jeux) est la reconstruction de l’orgue réalisé en 1854 par Carl August et Carl Friedrich Buchholz (Berlin).

L’orgue construit en 1930 pour la synagogue de la Prinzregentenstrasse dans le quartier de Wilmersdorf était de par ses 65 jeux répartis sur trois claviers et pédale l’un des plus grands instruments de synagogue à Berlin.

L’orgue de la synagogue de la Herzog-Max-Strasse à Munich fut achevé en 1929 (trois claviers, 33 jeux). La composition est due en grande partie à l’organiste et compositeur Heinrich Schalit, qui tenait aussi les orgues de cette synagogue.

La synagogue libérale de la Hans-Sachs-Platz à Nuremberg renfermait à l’origine un orgue construit en 1874 par Georg Friedrich Steinmeyer (deux claviers, 29 jeux) et doté d’une façade très caractéristique grâce à son style mauresque. Cet instrument fut transformé en 1911 par la manufacture Strebel et transféré en 1938 par la maison Bittner dans l’église catholique St. Karl-Borromäus de Nuremberg-Mögelsdorf. L’orgue a été remplacé en 1964 par un nouvel instrument dû à la maison Steinmeyer.

L’orgue construit en 1902 pour Odessa en Ukraine (2 claviers, 16 jeux + 1 emprunt) fut installé dans la synagogue de "l’Association d’Entraide des Employés de Commerce juifs".

Les deux orgues dans les synagogues berlinoises furent anéanties pendant la nuit du pogrome du 9 au 10 novembre 1938. Les synagogues de Munich et de Nuremberg évoquées ci-dessus avaient déjà été démolies avant la nuit du pogrome. Alors que l’orgue de Nuremberg existait encore, bien que transformé, jusqu’en 1964, l’instrument transféré en l’église catholique St. Korbinian de Munich-Sendling et provenant de la synagogue dans la Herzog-Max-Strasse a été détruit lors du bombardement du 12 juillet 1944. L’orgue d’Odessa avait déjà été anéanti auparavant, soit lors des pogromes de 1905, soit lors de la guerre civile entre 1918 et 1920. Presque toutes les synagogues d’Odessa avaient été fermées sous le régime communiste à partir de 1920 et profanées après pillage de l’inventaire.

[Acta Organologica 30, 2008, 255-288]

 

Alex Shinn

Twist of Fate - Le destin des orgues des collèges à Cambridge et Oxford de l’Iconoclasme à la Restauration (1536 - 1660)

La musique d’église polyphonique et, avec elle, les orgues dans les cathédrales et les églises des collèges de l’Angleterre toute entière connurent leur apogée au XVIe siècle, notamment dans les universités de Cambridge et d’Oxford. Toutefois, avec l’arrivée de la doctrine de Luther à Oxford via Cambridge et lorsqu’il devint évident que l’église avait besoin de subir un changement, se produisirent de violents querelles religieuses et politiques qui eurent de graves conséquences pour la musique d’église et les orgues. L’Acte de Suprématie de Henri VIII en 1534, les Dissolution Acts de 1536 et 1539, de même que la nouvelle liturgie et l’introduction de la Great Bible en 1539 lorsque Thomas Cranmer était archevêque de Canterbury, avaient été lourds de conséquences. La séparation de Rome, la dissolution et l’expropriation de couvents et de fondations religieuses, l’interdiction de rites en latin et l’introduction généralisée du livre de prière English Prayer Book s’accompagnèrent d’une antipathie croissante envers les orgues. Les instruments existant en 1535 dans au moins 13 collèges à Oxford et Cambridge devaient s’attendre au pire en raison des restrictions imposées aux universités par le jeune roi Edouard VI et ses ministres (notamment celles de 1549). L’instrument du Magdalen College d’Oxford (1549) fut endommagé, ceux du All Souls (1549) et du New College (1548) furent, semble-t-il cachés, celui de l’Exeter College vendu, et certains, comme ceux des Colleges King’s, Christ’s, St.John’s, Queeen’s et Trininty, au moins rendus muets.

Sous Edouard VI, les catholiques s’étaient réfugiés dans de sombres recoins et cavernes. Avec l’intronisation en 1553 de Marie Ire, ils sortirent de nouveau de l’ombre, et avec eux les chœurs et les orgues dans les collèges. Cette renaissance n’était cependant que de courte durée et dans les mouvements du pour et contre, les orgues se devinrent une fois de plus la cible des invectives pendant la «Compensation élisabéthaine». Cet ordre puritain plus sévère fit en sorte que les orgues de collèges d’Oxford furent soit anéanties, comme au Trinity College (après 1566) ou enlevées, comme au collèges All Souls (1561), Merton (1567), New College (1571), Corpus Christi (1575) et au King’s College de Cambridge.

Vers la fin du XVIe siècle, la musique bénéficia d’un gain de tolérance et c’est particulièrement à Oxford que l’on prit parti pour les chœurs et les orgues. Alors qu’au Parlement, les calvinistes s’efforcèrent toujours de bannir la musique de la liturgie, des écrits publiés à Oxford comme The Praise of Musicke (1586), Apologia Musices (1588) et Laws of Ecclesiastical Politie (1596) soulignèrent la place évidente que la musique devait occuper dans l’église. Point bien plus important, dans les années 1590 apparurent en même temps que la doctrine du théologien néerlandais Jacobus Arminius (1560-1609), qui devint par la suite le fondement du mouvement High Church en Angleterre, des courants qui non seulement défièrent les calvinistes sur le sujet de la prédestination, mais se firent aussi les avocats d’une liturgie proromaine comportant beaucoup de musique. Lorsque des directeurs de collèges tels que William Laud (président du St. John’s College d’Oxford de 1611 à 1621) adoptèrent la doctrine arminienne, une nouvelle voie se présenta aux orgues. La rangée prestigieuse des orgues de Tomas Dallam et de son fils Robert représenta l’une des périodes prestigieuses de la facture anglaise d’après 1600, tout particulièrement dans les universités. Nous devons l’une des toutes premières descriptions de la construction d’un orgue anglais aux documents de comptabilité concernant le magnifique instrument de Thomas Dallham acheté en 1605 par le King’s College de Cambridge. Dès 1605 et notamment après l’installation en 1633 de William Laud comme archevêque de Canterbury, le triomphe des arminiens se manifesta par l’apparition d’orgues dans au moins cinq collèges d’Oxford et sept à Cambridge, dont un instrument de Thomas Dallam construit en 1617/18 au Corpus Christi d’Oxford,que ce recueil est le premier à évoquer.

Alors que dans les années 1630 le mouvement High-Church était sur la voie d’atteindre son apogée, le caractère exagéré des cérémonies, notamment en ce qui concerne la musique liturgique et les orgues, telles que pratiquées par des directeurs de collèges comme John Cosin (Master au Peterhouse de Cambridge de 1634 à 1644) commença à échauffer les esprits puritains, si bien qu’un peu plus tard, pendant la guerre civile, Oliver Cromwell et des iconoclastes comme William Dowsing s’en prirent si fortement aux universités qu’il ne resta plus un seul orgue à sa place dans les églises de collèges. Bien que des puritains comme Oliver Cromwell aient toléré et même salué la présence d’orgues dans des milieux profanes comme au Hampton Court Palace, la musique d’orgue était de plus en plus détestée dans le cadre des cultes. La facture d’orgues s’éteignit en Angleterre pendant l’interrègne pour ne retrouver vie qu’après la restauration de la monarchie en 1660. Il est déplorable que les instruments construits en Angleterre au début du XVIIe siècle n’existent aujourd’hui que sous forme d’inscriptions dans les livres de comptabilité. Les seules parties de quelque importance appartenant à un orgue de collège d’avant 1660 et qui soient parvenues jusqu’à nous sont le buffet et le banc de l’orgue «Milton» construit en 1631 par Robert Dallam pour le Magdalen College. Le buffet principal se trouve dans la Tewkesbury Abbey (Gloucestershire), le buffet du positif de dos dans l’église St. Nicholas de Stratford-on-Avon (Northhamptonshire) - legs bien attristant d’une des phases les plus turbulentes dans l’histoire de la musique d’église en Angleterre.

[Acta Organologica 30, 2008, 11-34]

 

Franz-Josef Vogt

Détruits et oubliés. A propos d’orgues inconnus de Cologne

Les guerres ont pour conséquence que non seulement des vies humaines sont à déplorer mais aussi que des témoins patrimoniaux de différentes sortes sont irrémédiablement anéantis. Que cela concerne aussi un grand nombre d’orgue détruits durant la Seconde Guerre mondiale, c’est ce qui est montré ici à partir de quelques exemples de la ville de Cologne. L’étendue complète des pertes ne devient claire que lorsque l’on parcourt les "questionnaires sur les orgues" établis en 1944, qui déjà durant la guerre portent trop souvent la mention lapidaire "détruit", "brûlé" ou "considérablement endommagé". Après la fin de la guerre, le fait que beaucoup d’instruments, qui auraient mérité d’être conservés, aient disparu en raison des tendances dominantes de l’Orgelbewegung, donne aussi à réfléchir.

[Acta Organologica 30, 2008, 289-312]

 

Ulrich Zimmerle

L’histoire de l’orgue de l’église paroissiale Ste-Marie à Stuttgart

L’église néo-gothique Ste-Marie, érigée en 1871-1879, est la première église catholique nouvelle construite à Stuttgart après la Réforme. Pour son inauguration, elle reçut un orgue à deux claviers de la maison E. F. Walcker & Cie (Ludwigsburg), avec 25 jeux sur des sommiers mécaniques à pistons. Après 50 ans, l’instrument fut agrandi par les frères Späth d’Ennetach-Mengen (Allgäu), avec un nombre de jeux presque doublé, une traction électrique des notes et des registres et des sommiers à pistons. Sous l’influence de l’Orgelbewegung, les sombres jeux d’origine de l’orgue Walcker furent complétés par des mixtures claires, des mutations et des jeux d’anches. Cet orgue fut totalement détruit par une bombe en juin 1944.

La reconstruction de cette église très endommagée fut suivie en 1954 de la pose d’un nouvel orgue de 60 jeux sur 4 claviers et pédale par la firme Albert Reiser (Biberach), un instrument conçu dans le sens de l’Orgelbewegung, avec des sommiers à gravures et une traction électropneumatique des notes et des jeux ; pour des raisons financières, il n’y eut d’abord qu’une première tranche avec deux claviers et pédale. Dix ans plus tard suivit encore un troisième clavier. L’achèvement final selon les plans initiaux ne devait néanmoins pas aboutir.

Ce n’est qu’en 2002 que l’orgue bénéficia d’un relevage complet par la maison Reiser et fut complété à la taille initialement prévue mais selon un nouveau concept sonore. L’image sonore jusqu’alors plutôt piquante et déséquilibrée fut transformée selon une esthétique romantique-symphonique, plus ronde et pleine. Au lieu du positif de dos prévu jusqu’alors, un positif intérieur fut construit, comme un deuxième clavier expressif. Le Brustwerk existant fut transformé en solo avec des anches fortes à la française. Les claviers manuels furent augmentés de nombreux jeux neufs, surtout dans le domaine des anches de détails et des jeux gambés. Les jeux existants furent en partie décalés et réharmonisés. La nouvelle console est dotée de toutes les commodités électroniques modernes.

[Acta Organologica 30, 2008, 331-354]