Veröffentlichungen
ACTA ORGANOLOGICA 28 - Résumés
Gerhard Aumüller
Orgues et Facteurs d'Orgues en Hesse sous le règne des Landgraves Wilhelm IV. et Moritz "L'Érudit"
L' unique instrument historique conservé en Hesse du temps, quand Heinrich Schütz était organiste à la cour du Landgrave de Hesse à Kassel, c'est "positif d'Althefer", le petit orgue exposé au musée universitaire au château de Marburg. Il représente un type préféré par le Landgrave Wilhelm IV, qui, bien que d'un caractère un peux tatillon, s'intéressait beaucoup aux sciences et aux arts, ainsi que son fils, le Landgrave Moritz "Le Savant", qui était beaucoup plus doué que son père, mais dans les affaires politiques souvent par trop spontané. Sous le règne de Wilhelm, seulement des facteurs d'orgues étrangers travaillaient dans la région de Hesse-Kassel. Par exemple, à l'église de Fritzlar, qui à l'époque appartenait à la diocèse de Mayence, Heinrich Compenius de Nordhausen construisait un orgue de grande taille (sommiers à ressorts?), et à Marburg, au siège du Landgrave Ludwig IV, frère cadet de Wilhelm IV, Hans Müller, facteur d'orgues de Brunswick, qui plus tard vivait à Celle, faisait plusieurs instruments neufs ou réparait d'autres. Seulement vers la fin du règne de Moritz, Jacobus Hein à Fritzlar, et Georg Wagner à Lich, sont les premiers facteurs d'orgues plus importants d'origine régionale. Les orgues achetés par Wilhelm étaient destinés à des buts différents: 1. instrument d'exercice privé, 2. instrument d'accompagnement de l' orchestre de la court, 3. instrument liturgique dans les églises des châteaux (Rotenburg, Kassel, Schmalkalden), et 4. comme dons représentatifs aux amis ou proche parents. Inspiré par Wilhelm, Daniel Maier, facteur d' orgues de Göttingen, développait un type d'instrument, ou claviorganum, représentant "le style de la cour de Kassel". Deux exemplaires d'orgues, servant comme don politique à la famille ou à des amis, jusqu'à présent par retrouvés, sont témoignés: un claviorganum, construit par Daniel Maier, pour le roi Charles IX de Suède et un autre pour Ludwig IV, frère de Wilhelm à Marburg. Son fils Moritz, aboutit à un changement fondamental de la musique à la court de Kassel: au lieu des claviorgana démodés, Moritz chargeait Hans et Friedrich Scherer, facteurs d'orgues de Hamburg, à faire plusieurs orgues de grande taille pour les églises de sa résidence à Kassel. Il fit transporter quelques orgues historiques de Marburg à Kassel, dont il offrit quelques uns comme donnés aux paroisses différentes. Il est possible que l'orgue au château de Marburg ("Althefer-Positiv") en est un. Les recherches d'archive par Monsieur E. Trinkaus et l'analyse stylistique (Prof. R. Menger, Monsieur M. Kjersgaard, Dr. D. Schröder) ont indiqué que cet instrument est de qualité supérieure, construit aux environs de 1580 par un maître exceptionel. Plus tard (1620), il fut réparé par des membres de la famille Althefer, menuisiers à la ville de Wetter près de Marburg et servit dans l'église de la paroisse jusqu'en 1779, quand il fut vendu au village de Friedlos aux alentours de Bad Hersfeld . En 1883, Ludwig Bickell l`achetait pour les collections universitaires qui sont présentées au château de Marburg.
[Acta Organologica 28, 2004, 37-64]
Martin Blindow
Les pièces d'archives sur les orgues de l'église St-Pierre de Soest et leur importance pour l'histoire de la musique en Westphalie
Depuis le début du XVe siècle, des facteurs d'orgues étaient établis à Soest. Johann Busse, élève probable de Marten de Mare, s'installa en 1604 à Soest et épousa en 1626 une fille d'Arnold Bader. Son activité est attestée jusqu'au milieu du XVIIe siècle. On connaît environ 15 travaux de Johann Georg Fromme (seconde moitié du XVIIIe siècle). Son fils Nicolaus Fromme reprit l'atelier familial, qui exista jusque vers 1850. A cette époque existait un second atelier à Soest, moins important, dirigé par Bernhard et Engelbert Ahmer. On sait peu de choses d'Adam Fischer (vers 1870 à Soest) et de Heinrich Sassenhoff (vers 1840).
De 1611 à 1617, Johann Busse érigea en plusieurs étapes un orgue à trois claviers dans l'église St-Pierre. Il fut vendu en 1661 à Unna. Henrich Reinking, de Bielefeld, liva en 1649 un nouvel instrument, également à trois claviers. Entre 1649 et 1661, il y eut donc deux instruments à trois claviers dans l'église St-Pierre. Cent ans plus tard, en 1867, Schulze de Paulinzella posa un nouvel orgue (III/40). Johann Gottlob Töpfer et le compositeur et virtuose Jan Albertus van Eyken (1823-1868), d'Elberfeld, laissèrent des rapports de réception détaillés. L'orgue Schulze fut gravement endommagé durant la Seconde Guerre mondiale et fut reconstruit, transformé et agrandi à 46 jeux et quatre claviers en 1949, par Kemper de Lübeck. Dès 1963/64, il fallut le remplacer et on acheta l'orgue Steinmeyer de St-Sébald de Nuremberg (construit en 1904 pour St-Jacques d'Oettingen). Il fut transformé pour Soest et agrandi à 49 jeux. En 1906, l'église sera dotée d'un nouvel orgue à trois claviers (III/45 + 2 Tr.) de Hartwig Späth.
[Acta Organologica 28, 2004, 99-141]
Holger Brülls
La facture d'orgue au 20e siècle et la doctrine architecturale des époques du modernisme et du postmodernisme.
Quelques considérations relatives aux rapports entre l'orgue et le lieu qui le renferme du point de vue de l'histoire de l'architecture et de l'élaboration théorique des projets de construction
L'auteur décrit l'histoire de l'orgue en tant qu'ouvrage artistique dans le contexte du modernisme architectural et du postmodernisme. Au 20e siècle, l'orgue devient un genre artistique particulier. Etant donné que le modernisme fonctionnaliste qui s'est imposé dans la construction d'édifices religieux a pris le parti de renoncer à tout ornementation et que l'autel et la chaire y sont privés de leur caractère architectural, l'orgue bénéficie obligatoirement d'une présence dominante qu'il n'avait jamais eue auparavant. En même temps l'aspect extérieur de l'instrument doit obéir à des doctrines architecturales fonctionnalistes (la forme résultant de la fonction, l'extérieur devant refléter la structure interne, façade conforme au "Werkprinzip"). Les normes régissant la conception et la construction de l'orgue qui en résultent (adéquation de la structure, matériaux appropriés, solutions "sincères") ne sont cependant pas de nature architecturale ou esthétique mais morale. La critique postmoderniste d'un fonctionnalisme aujourd'hui dépassé fait qu'une conception susceptible d'être fondée non pas sur des considérations fonctionnelles, mais exclusivement sur des principes artistiques et esthétiques est mieux acceptée de nos jours. Alors que la plupart des architectes de l'époque moderniste ignoraient tout simplement le problème de l'orgue dans leurs projets, quelques architectes exceptionnels, notamment Otto Bartning et Alvar Aalto, avaient trouvé des solutions exemplaires permettant d'intégrer l'instrument dans l'intérieur de l'édifice. Les institutions en charge de la protection des monuments historiques, qui s'attachent aussi à la conservation des édifices religieux du modernisme classique, ignorent souvent l'importance particulière revenant à la conception extérieure de l'orgue dans de tels lieux. Les facteurs d'orgue qui ne pensent qu'en termes techniques traditionnels ne sont pas disposés à se soumettre, du point de vue de la conception et de la technique, à la situation particulière dans ces églises, en utilisant par exemple des façades sans buffet, des structures disséminées et la transmission électrique. Le rôle de l'architecte doit être considéré en principe comme ambigu. Si l'on jette un regard sur les réalisations exceptionnelles dans l'architecture moderne de l'orgue, il faut reconnaître que la participation d'un architecte n'est pas toujours un gage de qualité et que bien souvent le travail effectué "en dilettantes professionnels" par des facteurs d'orgue doués connaissant parfaitement la nature du projet est tout à fait exemplaire.
[Acta Organologica 28, 2004, 347-400]
Hermann J. Busch
Les jeux à anches libres dans les orgues de Friedrich Ladegast et la manière de les utiliser
Les compositions d'orgues de Friedrich Ladegast ne comportent que très peu de jeux d'anches. Hormis les trompettes des claviers manuels et quelques anches de pédale, il s'agit toujours d'anches libres.
Des indications de registration de la main de Ladegast et de Franz Liszt mentionnent explicitement l'utilisation de jeux à anches libres.
Presque toutes concernent le jeu à plusieurs parties avec des mélanges de jeux bouchés et de flûtes de 16 et de 8 pieds, mélanges éclaircis le cas échéant à l'aide de quelques fûtes de 4 pieds, auxquels les anches libres doivent conférer un timbre évoquant l'harmonium. Il ne semble pas que le but premier ait été la réalisation de cantilènes jouées en solo.
[Acta Organologica 28, 2004, 313-322]
Alexander Fiseisky
L'histoire de l'orgue en Lettonie
Les premières attestations d'orgues en Lettonie datent de 1329: Paistu (Paisten) et Helme (Helmet; aujourd'hui en Estonie). La plupart des mentions d'orgues dans les archives d'avant 1500 se trouvent à Riga (par exemple à Ste-Catherine, 1392). Les premières églises qui passèrent au protestantisme furent St-Jacques et St-Pierre, en 1522. St-Pierre avait reçu en 1520 un orgue de Balthasar Zcineken, le premier organier de Lettonie connu par son nom. Après le grand incendie de la ville (1547), Jacob Rab(e) (+ 1609) de Lubeck, qui installa en 1598 son atelier à Riga, érigea un nouvel orgue dans la cathédrale. Dans le duché de Courlande, des orgues sont attestés avant 1600 à: Jelgava (Mitau), église de la Trinité, 1586; Kuldiga (Goldingen), Ste-Catherine 1593; Bauska (Bauske), St-Esprit, 1595.
Au XVIIe siècle, Moritz (Mauritius) Wendt était établi à Riga (1608-33). Il obtint en 1609 le marché de rénovation de l'orgue de Kuldiga, mais il n'y arriva pas et l'on engagea en 1611 Johannes Pauli (Paulus) . Celui-ci travailla souvent à Riga, par exemple en 1630-33 (nouvel orgue à St-Jean). En janvier 1642 Jakob Wendt, fils de Moritz, acheva un orgue à Jelgava.
En 1697-1701, Cornelius Rhaneus (1671-1719) de Kuldiga construisit un nouvel orgue avec positif de dos à Ugale (Ugahlen; II/28), qui est le plus ancien instrument conservé sous sa forme originelle dans les pays baltes. Rhaneus construisit aussi des orgues pour l'église du château de Jelgava (1695-97), pour Lestene (1707-08) et pour Ste-Catherine de Kuldiga (1712-15). Kuldiga (Goldingen) fut après Riga le deuxième centre de facture d'orgues en Lettonie. Ici travaillèrent Mal. H. Erasmus (1694-1744), Albrecht Jordan (*1689; 1746-72), Paul Frölich (1720-1775) de Frauenburg en Prusse orientale (1758-75) et Gabriel Julius Mosengel (Moosengel) de Königsberg (1719-30). En 1786, Edole reçut un orgue richement décoré Christoph Wilhelm Braweleit (Braveleit) (1752-1796) de Labiau (Prusse orientale). Johann Heinrich Joachim (1696-1762) de Schafstädt (Thuringe), établi à Jelgava, livra des orgues à Ste-Gertrude de Riga (1753) et à Ste-Anne de Jelgava (1755). Il ne put achever l'orgue de l'église de la Trinité à Liepaja (Libau), en raison d'une surdité croissante. Gottfried Clossen (Kloss, Klossen, Kloos, + 1740) de Dantzig construisit un orgue pour St-Pierre de Riga (1728-31, 1734, III/43). Le facteur balte le plus important au XVIIIe siècle était Heinrich Andreas Contius (1708-1792) de Halle/Saale. Il travailla notamment à St-Jacques de Riga (1760-61, II/25; buffet conservé). De 1773 à 1779, il posa un nouvel instrument (II/38) dans le buffet existant de l'église de la Trinité de Liepaja. A partir de là, il commença à travailler avec son gendre Johann Andreas Stein (1752-1821) d'Augsbourg. A l'occasion d'une construction pour St-Simon de Valmiera (1779-80) il ouvrit à Liepaja un atelier, d'où sortit en 1783 l'orgue pour l'église réformée de Riga (II/14). Stein livra aussi des orgues pour St-Jean de Cesis (1786-87) et pour Evele (Wohlfahrt, 1788). A la fin du siècle, il déménagea à Pärnu (Estonie).
Vers 1800 apparurent des facteurs d'orgues de maison. C'étaient tout d'abord des autodidactes, qui fabriquaient des orgues pour des maisons privées ou pour des écoles. Theodor Tiedemann (* vers 1743) travailla de 1778 à 1806 à Riga; son fils Johann Theodor Tiedemann était actif de 1807 à 1835 en Courlande, plus tard en Lituanie. Durant la période allant du milieu du XIXe siècle à la Première Guerre mondiale, la facture d'orgues en Lettonie atteignit son apogée. Dans les régions rurales, ce sont surtout des positifs qui furent posés en grand nombre, mais aussi des vrais orgues d'église. Johann Christoph Christien (actif de 1810 à 1839 à Katlakalns près de Riga) avait déjà construit 37 orgues avant 1831. Karl Herrmann (1807-1868) déménagea de Saint-Pétersbourg à Liepaja. Il construisit en tout 80 orgues et plus de 50 positifs, tous différents de construction et de sonorité. Avec son fils et successeur Karl Alexander Herrmann (1847-1928), il agrandit l'orgue de la Trinité de Liepaja à 77 jeux et quatre claviers. Son neveu Karl J. Herrmann travailla de 1863 à 1883 à Jelgava. August Martin (1808-1892) de Dachwig (Thuringe) travailla à partir de 1837 à Riga. Il livra entre 1840 et 1885 environ 67 orgues d'églises et 19 orgues d'écoles dans les pays baltes tout comme en Russie et en Pologne. L'orgue destiné à l'église Ste-Gertrude-le-Vieille à Riga (1867-76, III/31) fut transféré en 1906 à l'église Ste-Gertrude-la-Neuve. Son fils Emil Martin (1848-1922), qui avait travaillé durant quatre ans chez Friedrich Ladegast, livra l'orgue de l'église catholique St-Jacques à Riga (1913, II/P/35). Friedrich Weissenborn de Thuringe, établi à Riga, Krustpils, et Jekabpils (Jakobstadt), installa 85 orgues entre 1865 et 1894 en Lettonie et Lituanie.
A partir du milieu du XIXe siècle, ce sont les grandes firmes allemandes qui dominèrent: Johann Friedrich Schulze (1793-1858) de Paulinzella (Jelgava, église de la Trinité, 1850, II/26); Friedrich Ladegast (cinq orgues, dont Valmiera, St-Simon, 1885-1886 (III/33); Barnim Grüneberg de Stettin (Liepaja, église de la Trinité, 1884-85, IV/130, jusqu'à aujourd'hui le plus grand orgue mécanique avec sommiers à coulisses du monde); G. F. Steinmeyer & Co. (Jaunpiebalga, 1914, II/24); W. Sauer (dix orgues 1882-1906, dont Riga, Ste-Gertrude-la-Vieille, 1906, III/45); E. F. Walcker & Cie. (1882-1913 et 1937, en tout 25 orgues, dont Riga, cathédrale, 1882-83, IV/124). Le facteur d'orgues letton le plus remarquable fut Martins Kreslins (Martin Kresling, + 1911) de Jekabpils, qui construisit entre 130 et140 orgues et harmoniums, dont Bauska (1891, III/36), Araisi (1904, II/15), Usma (1879, II/6). Janis Betins, organiste et facteur, fit beaucoup d'expériences dans le domaine de la facture d'orgues.
Entre les deux guerres mondiales, la vie culturelle de la Lettonie fut florissante. Des facteurs lettons et l'Allemand Herbert Kolbe (* 1887) construisirent le plus souvent des petits instruments. August Terkmann d'Estonie érigea en 1927 un orgue pour l'église luthérienne Ste-Anne à Kuldiga (II/16). Le Polonais Waclaw Biernacki oeuvra en 1931 pour Liksna (II/27 + 1 Tr.). Le dernier orgue Walcker fut livré en 1937 pour la salle de concert de l'université de Riga (III/59 + 11 Tr).
Entre 1940 et 1991, beaucoup d'orgues (environ 80) furent détruits, comme dans les autres territoires de l'ancienne Union soviétique. Malgré cela, le conservatoire letton reçut en 1973 un orgue Sauer (II/17) et l'orgue Walcker de Riga fut restauré par VEB Eule Orgelbau Bautzen (1961-62) et par D. A. Flentrop (1982-84). Dès cette époque, l'orgue jouait déjà un grand rôle dans la vie culturelle. En 1998 fut fondée l'union lettone des organistes et facteurs d'orgues.
[Acta Organologica 28, 2004, 11-36]
Werner Götz
L'orgue positif de chambre de l'Abbeye de Kremsmünster, construit vers 1580 par Georg Hacker
La salle "Steinsaal" de l'Abbaye de Kremsmünster en Autriche renferme un orgue positif construit en 1580 par le facteur Georg Hacker dont on ne sait malheureusement pas grand-chose. Cet instrument présente un très grand intérêt, en raison non seulement de l'élégance de son aspect extérieur mais aussi de la conception technique qui en font une pièce unique en son genre. Il possède deux claviers, l'étendue du clavier supérieur allant de ut1 à ré3; il s'agit donc d'un clavier de basse. Le clavier inférieur, en tant que clavier pour les dessus, s'étend du 3e do à ré5. Le clavier inférieur comporte les jeux "Holzregal 8'" (régale avec pavillons en bois) et "Holzcoppel 4'" (bourdon en bois). Au clavier supérieur on trouve les jeux "Zinnregal 8'" (régale en étain), "Principal 4'" et "Octave 2'". Comme le clavier des dessus peut être accouplé au clavier de basse, il en résulte pour la tessiture grave l'effet d'un accouplement à la double octave, ce qui donne la composition d'ensemble suivante: Holzregal 8', Holzcoppel 4', Zinnregal 2', Principal 1', Octave ½'. Le positif comporte en outre les jeux accessoires "Dudelsackquinte C + G" (cornemuse ut1 + sol1), "Dudelsackquinte D + A" (ré1 + a1), "Kuckuck g², e²" (coucou sol4, mi4), "Borduntrompete C" (pédale de trompette sur le premier ut) et "Vogelsang" (chant d'oiseau à l'aide de 2 tuyaux dans un récipient d'eau).
[Acta Organologica 28, 2004, 79-98]
Andreas Hahn
L'orgue G. F. Jehmlich de l'église protestante de la ville de Lauenstein (Monts métallifères)
Histoire, restauration et ruine
L'orgue de l'église protestante Ste-Marie et St-Laurent de Lauenstein (2 claviers, 19 jeux) fut construit en 1817-18 par Gotthelf Friedrich Jehmlich comme opus 3 et inauguré le 24 janvier 1819. Ce fut la première construction neuve de Jehmlich en Saxe, après qu'il ait d'abord travaillé en Bohême.
En 1833, l'orgue fut accordé un quart de ton plus haut par Johann Gotthold Jehmlich et en 1896 il fut reculé d'un mètre. A cette occasion, la soufflerie composée de trois soufflets cunéiformes fut tournée de 90° et le buffet fut modifié. Les tuyaux de façade reçurent une peinture avec des motifs de flammes et de fleurs. Probablement est-ce aussi à ce moment que le Sifloet 1' fut remplacé par une Aéoline 8'. Durant la Première Guerre mondiale, les tuyaux de façade échappèrent à la fonte. A l'occasion de la restauration de l'orgue par la maison Jehmlich, en 2000, un Sifflöte 1' fut installé à la place de l'Aéoline.
L'instrument brûla en juillet 2003 durant un incendie dû à un court-circuit probablement provoqué dans la partie électrique de l'orgue par un animal. Seules des parties de la pédale et la soufflerie furent conservées. Une reconstruction de l'instrument avec réutilisation des rares éléments préservés est prévue.
[Acta Organologica 28, 2004, 239-274]
Gisela Jaacks
Arp Schnitger et les corporations hambourgeoises
Etant obligés de travailler avec différents matériaux et un outillage diversifié, dont l'usage était réservé à certains métiers conformément aux lois corporatives de la fin du Moyen-âge et du début de l'époque moderne, les facteurs d'orgue jouissaient d'un statut particulier parmi les corporations artisanales. Les artisans travaillant le bois et le métal étaient, à cette époque, rassemblés à Hambourg au sein de ce que l'on appelait des corporations exclusives qui restreignaient sévèrement le nombre des établissements autorisés à effectuer ce genre de travaux.
Les facteurs d'orgue n'avaient pas la possibilité d'appartenir à ces corporations. Ils devaient donc faire participer les maîtres artisans à leurs commandes s'ils ne voulaient pas encourir de poursuites ou de sanctions. Arp Schnitger semble avoir trouvé un accord à l'amiable avec les corporations hambourgeoises, qui avaient la réputation de veiller jalousement sur leurs prérogatives. Une mainmise d'autres maîtres artisans sur son atelier, dont certains de ses collègues eurent à souffrir, n'est pas documentée dans les archives. Il sut par ailleurs se protéger pour les travaux à faire dans la région hambourgeoise grâce à certains privilèges qui lui furent accordés par les princes régnant sur les territoires tout autour de Hambourg.
[Acta Organologica 28, 2004, 275-282]
Michael Gerhard Kaufmann
La symbolique politique de l'orgue sous le Troisième Reich
Durant le "Troisième Reich", l'orgue connut une rapide ascension comme instrument politique, suite à une demande massive des organisations du parti national-socialiste. Dès les années 1920, les "orgues héroïques", qui avaient été construits à la mémoire des victimes de la Première Guerre mondiale, furent intégrés dans le système de pensée des cercles orientés "populairement" comme un élément consacré, dans les fêtes avec accent nationaliste. Après la prise de pouvoir en 1933, de nombreux "orgues de fêtes" furent installés selon ces modèles, pour les rites pseudo-religieux du organisations du parti, parce qu'aucun instrument ne représentait comme celui-ci l'idéal d'une "communauté populaire" dans une société sans classes avec des vertus guerrières. Après l'effondrement de 1945, le passé de ces douze années "brunes" de l'orgue fut refoulé pour des décennies, et ce n'est qu'au milieu des années 1980 qu'il y eut une analyse critique.
[Acta Organologica 28, 2004, 401-409]
Thomas Lipski
Les orgues dans les salles de concert en Allemagne jusqu'à la première moitié du 20e siècle et leur intégration architecturale dans ces salles
Les salles de concerts en Allemagne étaient dotées d'orgues depuis le deuxième tiers du 19e siècle. Quatre manières d'y placer l'instrument se sont succédées:
1. l'orgue est placé sur le podium de l'orchestre, en avant de la paroi de la salle de concert.
2. l'orgue se trouve dans une niche de la paroi derrière le podium.
3. la façade de l'orgue s´étend sur toute la largeur de la paroi.
4. l'emplacement de l'orgue est invisible.
Exemples:
1. Hambourg, Tonhalle (Peter Tappe, 1845, premier orgue de salle de concert en Allemagne).
2. Leipzig, Gewandhaus (Walcker, 1884).
3. Hambourg, Musikhalle (Walcker, 1908). Magdebourg, Stadthalle (Sauer, 1928).
4. Gelsenkirchen, Hans-Sachs-Haus (Walcker, 1927).
[Acta Organologica 28, 2004, 283-298]
Johannes Reichel
Les orgues de l'église St-Sauveur de Kürbitz dans le Vogtland
L'église St-Sauveur de Kürbitz dans le Vogtland (Saxe) abrite une façade d'orgue baroque de 1720. C'est l'oeuvre du facteur d'orgues Johann Peter Penick de Zwickau, en Saxe, qu'il confectionna avec le premier orgue. Le décor sculpté fut réalisé par Johann Nicol Knoll, la peinture fut assurée par Heinrich Matheus Loh, tous deux originaires de Hof en Franconie supérieure. En 1880, l'orgue fut déplacé de sa première implantation sur le tribune sud vers l'Ouest, dans une nouvelle ouverture dans la tour. En 1907, Reinhard Schmeisser de Rochlitz détruisit cet orgue et installa un nouvel instrument avec traction pneumatique. L'orgue qui se trouve maintenant derrière la façade légèrement modifiée fut construit en 1977 par la maison Jehmlich de Dresde.
[Acta Organologica 28, 2004, 189-238]
Alfred Reichling
Sons d'orgues sous la croix gammée.
Fêtes, lieux de fêtes et orgues de fêtes
Un signe caractéristique du national-socialisme était le penchant pour l'organisation de fêtes politiques et - ainsi presque inévitablement joint - pour la mise en forme de rituels. Vers le milieu des années 1930, le désir de lieux spécifiques dotés d'orgues devint fort. Les porteurs particulièrement empressés de cette demande d'introduction de l'orgue dans les fêtes du national-socialisme furent Gotthold Frotscher, Herbert Haag, Wolfgang Auler et Wolfgang Stumme. Un de leurs porte-voix était, à partir de novembre 1937, le périodique "Musik in Jugend und Volk" [Musique dans la jeunesse et le peuple]. Les fêtes politiques devaient, en tant que culte pseudo-religieux, exercer un fort effet émotionnel sur les participants et les attacher au national-socialisme par le sentiment et non par l'intellect. L'orgue, avec sa sonorité puissante, devait y remplir une fonction importante. Il devait accompagner les chants nationaux. En outre, des "musiques festives" spécifiques devaient être composées, parce que l'on ne voulait pas revenir au répertoire habituel dans les églises. En même temps, on fit aussi de la propagande pour la construction de positifs et de petits orgues pour l'exécution de musique de chambre profane, par exemple de danses ou de paraphrases de chansons de la Renaissance ou de l'époque baroque, mais aussi de nouvelles compositions pour de petits orgues.
En 1936, les firmes Walcker et Sauer construisirent dans le temps record de six mois un orgue de 220 jeux pour la "Luitpoldhalle" de Nuremberg, un édifice de 180 m de long. La même année, Bayreuth reçut deux orgues de fêtes : l'orgue Steinmeyer de trois claviers pour la "Maison de l'éducation allemande" et l'orgue Walcker de quatre claviers pour la grande salle "Ludwig-Siebert". Ces trois instruments n'ont pas survécu à la deuxième guerre mondiale, comme la plupart des autres orgues construits à des fins politiques.
[Acta Organologica 28, 2004, 411-444]
Marc Schaefer
Hans Süss et l'orgue de la cathédrale de Strasbourg, 1506-1516
L'orgue de la cathédrale de Strasbourg, construit en 1489-1491 par Friderich Krebs, fut transformé en 1509-1511 par Hans Süss, selon des conceptions nouvelles. Le contrat, conclu le 24 septembre 1507, donne des précisions sur ce travail. La réception fut effectuée par Arnolt Schlick. En 1516 Hans Süss effectua une réparation. La transformation par Hans Süss marque une étape importante dans l'évolution de l'orgue gothique vers l'orgue Renaissance. La découverte et la publication du contrat comble une lacune dans la documentation relative à l'histoire des orgues de la Cathédrale de Strasbourg.
[Acta Organologica 28, 2004, 65-78]
Winfried Schlepphorst
Histoire et restauration de l'orgue de Marienfeld (Westphalie)
Dans l'orgue de l'ancienne abbaye cistercienne de Marienfeld, qui fut construit de 1745 à 1751 par Johann Patroclus Möller de Lippstadt puis lourdement transformé par Randebrock (1883-84) et Fleiter (1924-25), une tuyauterie formée de nombreuses strates est conservée derrière la plus impressionnante façade d'orgue de Westphalie. Les sommiers, la mécanique, la soufflerie et une partie de la tuyauterie ont néanmoins été perdus durant les interventions des XIXe et XXe siècles. Après une première restauration par Breil (1962-63), l'instrument fut techniquement renouvelé à l'occasion d'un nécessaire relevage effectué en 1995-99 par la maison Kreienbrink , selon les bases actuelles de la conservation des monuments historiques, et doté d'une nouvelle soufflerie cunéiforme à la manière de Möller. Une reconstruction rigoureuse fut néanmoins écartée. Les jeux historiques des XVIIe et XVIIIe siècles forment avec les rangs de Breil et de Kreienbrink une substance en évolution, dont les différentes strates conduisent à une étonnante unité de l'image sonore.
[Acta Organologica 28, 2004, 143-154]
Hans Schmidt-Mannheim
L'orgue Peter-Heroldt de Buttstädt.
Sur les traces de Johann Tobias et de Johann Ludwig Krebs
Le marché de 1696 pour cet orgue montre une composition de pédale qui n'est pas rare en Thuringe. A côté de deux jeux de 16', il n'y a qu'un jeu d'anches de 2' et un jeu à bouches de 1'. L'étendue de la pédale devait comprendre 30 notes (Do1 - Fa3). Heroldt mourut avant l'achèvement de la construction, qui fut confié en 1701 au facteur Fincke. En 1724, l'instrument fut examiné par Johann Gottfried Walther ,de la ville voisine de Weimar, et Walther se montra profond connaisseur de la facture d'orgues. Sur cet orgue oeuvrait l'organiste et compositeur Johann Tobias Krebs, le père de Johann Ludwig Krebs, l'élève de Johann Sebastian Bach. L'instrument de l'église St-Michel de Buttstädt fut ensuite toujours à nouveau mis au goût du jour. Une approche de l'état d'origine de l'orgue fut réalisée en 1933 à l'initiative d'Erhard Mauersberger. La composition présente remonte à cette époque. Les circonstances d'après-guerre et le manque d'argent ont conduit à l'état actuel extrêmement déplorable de l'église et de l'orgue.
[Acta Organologica 28, 2004, 155-188]
Albrecht Schneider / Andreas Beurmann / Richerd von Busch / Lüder Schmidt / Eberhard Lauer
Les rapports entre les manières d'accorder l'orgue et les caractéristiques du son.
Une contribution à la discussion sur les tempéraments anciens d'un point de vue acoustique
Les discussions concernant les tempéraments anciens se fondent la plupart du temps sur une interprétation de sources écrites. Il s'agit en premier lieu de traités théoriques sur la musique et l'orgue de l'époque en question dans lesquels il est question de systèmes tonaux et de manières d'accorder les instruments. En deuxième lieu, on analyse des oeuvres musicales en fonction des tonalités, des accords et des intervalles afin d'y trouver des éléments permettant de conclure au tempérament auquel le compositeur aurait songé.
Ces deux approches se justifient dans une certaine mesure, mais nous sommes d'avis qu'elles doivent être complétées par des constatations empiriques issues des domaines de l'acoustique instrumentale et de la psychologie de la perception auditive. Une des raisons principales est que les nombreuses controverses relatives à l'accord et au tempérament ne partent pas de paramètres sonores mais s'en tiennent à une approche unidimensionnelle, dans laquelle les sons ou les hauteurs de son apparaissant par degrés se trouvent réduits leurs fréquences de base respectives. L'accord de l'instrument se présente alors simplement "à l'horizontale" en tant que série de fréquences de base dont les espacements linéaires sont exprimés en valeurs appelées "cents". Dans le cas de l'orgue cependant, c'est la dimension verticale de son accord qui joue un rôle primordial, celle-ci étant d'abord liée au spectre de chaque tuyau individuel et ensuite à la combinaison de plusieurs tuyaux et jeux. Cela découle de la conception même de l'orgue en tant qu'amplificateur d'harmoniques.
Par le présent article, les auteurs tentent d'expliquer au moyen de recherches empiriques faites grâce au procédé de l'analyse numérique de signaux qu'une approche purement unidimensionnelle concernant l'accord ou le tempérament d'un orgue est insatisfaisante. Un débat objectif sur l'accord et le tempérament devra plutôt tenir compte des effets acoustiques et psycho-acoustiques résultant de la combinaison des influences exercées par la mise au point "horizontale" des fréquences de base et la structure harmonique de tuyaux isolés et des différents jeux de l'orgue.
[Acta Organologica 28, 2004, 323-346]
Joachim Walter
L'orgue Schulze de Ste Marie de Lübeck achevé en 1854 et ses jeux à anches libres.
Une source concernant l'art de la registration au 19e siècle
L'église Ste-Marie de Lübeck fut dotée en 1854 d'un orgue neuf de 78 jeux répartis sur quatre claviers et pédale, construit par la manufacture Schulze. Deux organistes titulaires de cet instrument, Hermann Jimmerthal (1809-1886) et Karl Lichtwark (1859-1931), nous ont laissé de précieuses indications de registration pour cet orgue.
Les registrations dans lesquelles interviennent des jeux d'anches nous montrent plusieurs choses:
les registrations avec jeux d'anches furent généralement utilisées de manière tout à fait consciente afin de les démarquer des registrations avec les jeux à bouches, la plupart du temps pour mettre certains éléments de forme musicale en évidence;
l'utilisation de jeux d'anches dans les transcriptions de Jimmerthal ne renvoie pas automatiquement à certains instruments de l'orchestre;
toutes les anches, y compris l'éoline 8' à anches libres, sont tirées avec des flûtes de 8 pieds;
les anches douces (éoline 8' à anches libres ou clarinette 8' à anches battantes) n'étaient utilisées que dans les tessitures moyennes ou aiguës;
les huit exemples de registration qui nous sont parvenus indiquent que l'éoline 8' à anches libres était normalement utilisée dans une écriture à plusieurs voix, que ce soit sur un seul clavier ou dans une registration soliste;
l'éoline 8' à anches libres ne servait que dans des mouvements relativement lents;
les registrations de Lichtwark pour l'éoline 8' à anches libres doivent être comprises dans le sens d'une sonorité affinée caractéristique de l'époque post-romantique.
[Acta Organologica 28, 2004, 299-312]